Incroyables et poignants, retrouvez ici quelques témoignages de Malgré-Nous (et de leurs enfants), incorporés de force sous contrainte de la « Sippenhaft » (menaces de déportation sur l’ensemble de la famille) dans l’armée allemande.
Albert BALDAUF
Né le 11 mars 1927, à Strasbourg
Je fus Incorporé le 10 novembre 1944 dans l’armée Allemande à l’âge de 17 ans.
Je fus transféré en civil à Munich le 23 novembre 1944 à la SS Commando Stelle, pour transiter par Monfalcone (Italie) et revêtir l’uniforme de la 7e Division Waffen-SS PRINZ EUGEN, intégré le 28 novembre 1944 dans le Gebirgsjäger Regiment 13, sans aucune formation militaire.
Notre régiment est engagé en décembre 1944 dans le Nord de l’Italie, région de Triest. En février 1945 nous sommes dirigés vers la Croatie et la Bosnie. Le 17 avril je suis blessé à Doboij par une balle de fusil à la mâchoire. A l’hôpital de Zagreb on m’a opéré et redirigé vers un hôpital de campagne qui me libère le 2 mai 1945 pour rejoindre une unité à Klagenfurt. J’ai pu m’évader en mai 1945 vers la résistance autrichienne près de Villach, après le 18 mai je me suis présenté aux forces américaines qui après vérification de mon identité m’ont remis à un groupe de prisonniers français de 1940 dans un camp près de Klagenfurt. Le 25 mai 1945 notre groupe est rapatrié vers Strasbourg.
Albert BARADEL
Né le 25 mars 1926, au Bonhomme
Je fus Incorporé le 12 avril 1944 à Mulhouse dans la Waffen-SS « Division Reichsführer SS » à l’âge de 17 ans.
Originaire du secteur « Welches alsaciens » je ne parlais pas un mot d’allemand.
Je fus transféré au camp de DEBICA en Pologne à l’Est de Cracovie le 19 avril 1944.
Partis le 1er Mai 1944 pour la Hongrie et affecté au 35e Régiment de Panzer grenadier, notre unité fut envoyée en Toscane (Italie). Le 26 mai 1944 nous arrivons à Padoue. Le 17 juin 1944 j’ai réussi à m’évader lors d’un orage avec Louis Richard de Sternenberg (Haut-Rhin). Nous avons pu fraterniser avec un groupe de partisans italiens et avons réussi quelques coups de mains, le 5 juillet nous avons subi une attaque où Louis RICHARD fut capturé avec d’autres maquisards et fusillés. Les camarades Henri RUBLY et Charles GREDER, originaires de Mulhouse incorporés de force comme nous et faisant partie de la même compagnie, se sont évadés à leur tour pour nous rejoindre dans le maquis. Le 8 juillet GREDER fut victime d’une embuscade, nous venions de perdre deux camarades, seul RUBLY et moi-même avons survécu. Le front se rapprochait de notre camp et nous avons eu la chance de rejoindre l’armée américaine le 9 juillet 1944. Nous sommes intégrés au camp de prisonniers allemands à AVERSA près de Naples, pour être libérés et intégrés au Corps expéditionnaire français basé à Naples, en septembre 1944 nous devions rejoindre la Base Aérienne de Blida en Algérie où nous fûmes affectés. Nous apprenons la condamnation à mort par pendaison, de nos camarades alsaciens survenue le 18 août 1944, de Zimmermann et Kreutter. Le 22 novembre 1945 nous sommes enfin libres de quitter l’uniforme, après 14 mois passés à BLIDA en Algérie.
Charles BUCH
Né le 17 février 1926, à Colmar
Je fus Incorporé le 11 février 1944 et envoyé au Wildenhof (Prusse Orientale) à 17 ans.
On m’a redirigé vers la « Division das Reich » le 22 février 1944 en direction de Bordeaux et intégré au camp de Souge le 29 février 1944
Après une formation militaire sévère je fus sélectionné pour le rôle d’interprète et affecté au QG du bataillon à Grenade sur Garonne (Haute-Garonne).
Notre division fut envoyée en Normandie le 08 juin 1944, j’ai pu m’évader le 28 juillet vers les lignes américaines près de La Haye-Pesnel au Sud de Coutances. Durant mon engagement au front j’ai pu respecter mon vœux « tu ne tueras point ». Fait prisonnier par les Américains le 03 août 1944 et employé au déchargement du matériel au port de Cherbourg, jusqu’à la fin août. Je fus transféré au Camp de Saint-Pierre-l ‘Église et j’y suis resté jusqu’en mars 1945, pour enfin revenir définitivement en Alsace.
Daniel FISCHER
Né le 27 mai 1926, à Colmar
Je fus incorporé le 11 février 1944 à 17 ans. Nous faisons un court séjour au Wildenhof en Prusse Orientale, arrivés le 14 février pour être intégrés dans la 1ère cie du régiment « Deutschland » de la 2e division blindée « das Reich », nous sommes équipés en uniforme SS.
On m’a redirigé vers la France en direction de Bordeaux, arrivés à Langon le 29 février 1944. Nous sommes mutés le 1er mars à Bazas (Gironde). Après quelques semaines d’un entraînement physique et grâce à mon apprentissage de mécanicien je suis affecté à la maintenance des armes et du matériel. J’ai eu souvent des contacts avec des Français qui voulaient m’aider à m’évader, mais cette éventualité n’était pas envisageable pour un otage aux mains des Nazis fanatiques. Suite à une jaunisse aiguë je quitte Vernet, (à 20 km de Toulouse) hospitalisé à l’hôpital Toulousain, où de nombreux civils m’ont proposé leur aide, je vais passer une convalescence à Nice où le médecin autrichien réussit à prolonger mon séjour de 4 semaines. A la fin de mon séjour je suis envoyé par Avignon, Paris et Le Mans, pour rejoindre mon unité que je retrouve en Normandie près de Falaise. Nous sommes happés par la gigantesque retraite et passons en Belgique en septembre par Verdun vers Malmedy. Un jour un officier SS s’étonne en entendant mon accent et surpris il s’exclame que tous les Alsaciens n’auraient donc pas désertés . . . Caché dans un hangar, un obus incendiaire nous transforme en brasier, j’ai réussi à m’en extraire et à agiter un petit mouchoir blanc qu’un autrichien m’avait conseillé de garder précieusement. Les soldats américains étaient friands d’insignes SS, un premier me déleste de ma veste, en échange il me propose deux paquets de « Lucky Strike », je suis heureux d’être en vie. A cette date mes parents avaient été informés, « qu’au cours des combats du 13 septembre 1944 j’ai été séparé de l’unité et peut-être fait prisonnier ». Après plusieurs camps de prisonniers US en Belgique nous avons été dirigés vers Compiègne, toujours sous le commandement d’officiers allemands, nous étions environ une centaine d’Alsaciens et Mosellans. A Beauvais nous sommes enfin séparés de nos chefs nazis et en novembre 1944, j’ai la chance de recevoir une carte d’identité française ! Je suis resté à Beauvais jusqu’au 19 avril 1945, où l’administration militaire de Strasbourg signale que j’ai été démobilisé de l’armée allemande. Le 7 mai 1945 je reviens à la vie civile.
En raison des diffamations graves et des mensonges proférés dans le film « historique » diffusé sur France 3, «la Division das Reich» produit par la société Nilaya et Monsieur Michaël Prazan, je dénonce les propos tenus et les affirmations qui nuisent gravement à notre honneur « d’Incorporés de Force survivants » et à nos 35 000 camarades morts sous un uniforme maudit. Nous sommes qualifiés de « volontaires et majoritaires dans la division das Reich», au sein d’une troupe sanguinaire, ces propos sont diffamatoires et préjudiciables à notre encontre. Je rajouterai qu’aujourd’hui encore alors que nous sommes au 21e siècle, la mémoire nationale française est polluée par ces propos. La preuve en est que lors d’une cérémonie de commémoration du débarquement en Normandie, à laquelle nous étions invités officiellement, nous nous sommes fait « insulter et exclure de la cérémonie » par un individu dont le père avait fait partie du commando « Kieffer ». Cela s’est passé à Ouistreham le 06 juin 2015. L’incident fit grand bruit dans la presse Nationale et mes camarades et moi-même, étions très déçus d’un tel affront.
Jean-Pierre TSCHAEN
Né le octobre 1926, à Colmar
Je fus incorporé le 11 février 1944 à Mulhouse. Envoyés au Wildenhof en Prusse Orientale à 17 ans, où nous sommes arrivés le 14 février pour être intégrés dans la 11ème compagnie du régiment « Deutschland » de la 2e division blindée « das Reich », nous sommes équipés en uniforme SS.
On m’a redirigé vers la France le 22 février 1944 en direction de Bordeaux et Langon, nous y arrivons le 29 février 1944. Nous sommes mutés le 1er mars à Bazas Haute-Garonne. Le 7 avril nous partons pour Villefranche de Lauragais où je passe le permis poids-lourd. Le 6 juin alerte maximum, mais ce n’est que le 30 juin que mon unité part pour la Normandie, passant par Châtellerault, nous ne roulons que la nuit. Le 4 juillet nous arrivons à Domfront (Orne) et le 7 juillet nous sommes au front près de Périers-Carentan. Le 14 juillet une deuxième attaque aérienne fait une hécatombe avec beaucoup de morts et les camions incendiés. Pendant des semaines nous sommes en première ligne avec des pertes effrayantes. Dans la nuit du 10 au 11 août nous devons contre-attaquer vers Avranches et Mortain, nous devrions traverser les lignes américaines mais le 16 août je suis fait prisonnier par les Américains dans la poche de Falaise. Je passe la nuit dans la cour d’une ferme, au petit matin je suis réveillé par une odeur de café (américain bien sûr). Le 17 août des camions nous emmènent vers Sées dans l’Orne où je retrouve de nombreux camarades alsaciens. Nous serons regroupés plus tard à Mulsanne (actuellement le circuit du Mans), où plus de 150 Alsaciens ont été rassemblés. Le 8 décembre 1944 des camions français nous déposent à Angers (toujours en tenue Waffen-SS) ce n’était pas facile. Mais le 9 décembre je me suis engagé pour la durée de la guerre dans l’armée française et ce n’est que le 18 octobre 1945 que j’ai pu quitter l’uniforme, heureux d’avoir survécu à tous les dangers.
Joseph NUNNINGER
Témoignage de son fils, Paul-Gérard NUNNINGER
Mon père Joseph Nunninger, un incorporé de force parmi tant d’autres, à disparu quelque part en Silésie en 1945. Il ne pourra pas témoigner de ses souffrances et de son calvaire. Assassiné, une nuit par des fanatiques et laissé dans un trou. Il a agonisé seul en pensant à sa famille, à sa belle et tendre épouse de 36 ans et à ses six enfants de 18 mois, 4 ans, 7 ans, 9 ans, 10 ans, 11 ans.
Joseph Nunninger ne s’était pas rendu à sa convocation à l’incorporation. Il pensait que les troupes alliées qui étaient proches, mais arrêtées à Seppois près de Dannemarie Haut-Rhin, les allemands battraient sous peu en retraite.
Malheureusement le 11 novembre 1944 deux Feldgendarm armés sont venus à la maison pour l’arrêter et l’emmener manu-militari sans bagages ni vêtements devant les enfants et la maman effarés. Depuis ce jour nous n’avons plus eu de nouvelles ni d’informations de sa part.
Le Wast de Berlin ne dispose d’aucune information, ni d’entrée ni de formation. Sa probable affectation aurait été Umschuler-Kompanie/Grenadier-Ersatz-und Ausbildungs-Bataillon309. Son numéro matricule -169- Umsch.Kp.G.E.u.A.B.309.
Pourtant… Un soir quelque part sur le front de l’Est il serait parti du campement accompagné par un officier et un sous-officier Nazi. Le lendemain un des compagnons d’infortune de notre père appris par ces deux gradés qu’il avait été tué dans son trou de mitrailleurs par l’ennemi !
Le 14 janvier 1945 notre maman Catherine, Cécile Nunninger a été arrêté à la maison, probablement en représailles ou sur dénonciation calomnieuse et déportée pour raisons politiques à Stuttgart.
Du 14 janvier au 15 février 1945 nous sommes seuls sous la garde de la sœur aînée âgée de 11 ans, errant de cave en cave lors des bombardements ou dans notre maison ouvrière dont les portes et fenêtres avaient été soufflé par les explosions, pendant un des hivers les plus rudes de notre courte vie, allant manger à l’Hôpital de Cernay et parfois y dormir.
CERNAY à été libéré le 4 février 1945 – Le 15 février alors que les enfants de Cernay sont évacués par sept autobus pour être emmener dans des familles suisses et que nous restons seuls sur la place du Grün une ambulance de la Croix Rouge nous transporte à l’orphelinat de Thann.
Personnellement plus jeune j’ai eu la chance d’être pris en charge par le concierge de l’école primaire de Cernay puis recherché plus tard par la grand-mère paternelle d’Ensisheim.
Notre maman libérée par les troupes alliées rentre à la maison début mai 1945, méconnaissable, le corps et le visage marqué par les stigmates de la souffrance. Jamais notre maman ne parlera des souffrances vécues à cette époque. Très tôt nous avons appris à travailler pour survivre chichement.
Tous les six enfants déclarés Pupilles de la Nation par jugement du tribunal en 1952 nous n’avons jamais eu la moindre indemnisation à notre majorité. Pourquoi ?
René JUND
Né le 07 août 1926, à Strasbourg-Neudorf
Je fus incorporé le 08 février 1944 dans les Waffen SS de « la Division das Reich, Regiment der Führer » à l’âge de 17 ans.
Mon frère est mort sous l’uniforme nazi le 09 avril 1944 sur le front de l’Est.
Je fus transféré au camp de Souge près de Bordeaux vers mi-février 1944.
Notre division fut envoyée en Normandie le 08 juin 1944, j’ai pu déserter fin juillet vers les lignes américaines près de Lessay où je fus aidé par un couple d’agriculteurs. Admis prisonnier volontaire, je fus transféré en Angleterre début août 1944, pour revenir en France le 15 juillet 1945 avec les troupes des Forces Françaises Libres.
Florent HOLVECK
Né en novembre 1928, dans la vallée de la Bruche
Incorporé de force deux jours avant la libération de Strasbourg.
Il y a 78 ans, le 25 août 1942, était publié le décret instaurant l’incorporation de force pour les Alsaciens. Né dans la vallée de la Bruche en novembre 1928, Florent Holveck fut l’un des derniers Malgré-Nous : quand il est parti pour le RAD puis la Wehrmacht, il n’avait pas encore 16 ans.
Lire l’article dans les Dernières Nouvelles d’Alsace du 15 septembre 2020.
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