Par Gérard Michel
Grand père, que fait la grande malle, là-haut dans le grenier,
Pourquoi m’en aviez-vous, toujours éloigné ?
Il me faut vous l’avouer, un jour de pluie et par curiosité,
Au désir de l’ouvrir, je n’ai pas résisté.
Dans une petite valise, était un accordéon…
à qui pouvait-il servir, car de vous, je ne connais pas de chanson ?
Une boussole, une trousse pour ranger des crayons,
Un sac Tyrolien, deux bérets et des bâtons,
Des brodequins de cuir, un anorak et des gants,
Un boitier Voïgtlander et un carnet de chants,
Un cerf-volant cachait les photos d’un album en carton…
à qui pouvaient-ils servir, car de vous, je ne connais pas de chanson ?
Ils étaient deux frères Émile, (et André qui avait à peine 18 ans…)
Comme je leur ressemble, ils étaient encore presque des enfants,
Ni l’un ni l’autre, des griffes du monstre, n’a pu se soustraire,
Aux chiens enragés, on les soumit, de la pire des manières,
pour nous laisser vivre, de leur vie ils nous ont fait don…
ils n’ont eu d’autre choix que de mourir… et d’eux, je ne connais pas de chanson ?
Au récit d’une douloureuse et troublante absence,
La mère patrie, fit preuve d’une grande indifférence,
Aux enfants de France, cette tragédie fut cachée ?
Grand père là-haut dans le grenier, leur vie dort avec leurs objets.
Où puis-je déposer sur leur tombe, quelques bleuets et leur carnet de chansons ?
Là-bas sur les immenses plaines, j’entends les notes d’un accordéon…
(Poème récité le 25 Août 2012 pour le 70e anniversaire de l’IF à Obernai par Jean Bézard et Gérard Michel)
Traduction en Alsacien de René Egles
Abweseheit
Grossvater, der gross Reisekoffer do owe uf de Kascht,
Warum hawi nie drangederft ?
Ich muess es ejch verote ; am e Räjedaa un üs Wunderfitzigkeit,
Hawi mich nit zeruck kenne halte füer ne ufzemache :
Im e kleine Küefferle : e Knetsch!
Wer het do drowe kenne spiele ?
Denn vun ejch kenn ich ken Lied !
E Kompass, e Crayonschachtel;
E Tyroler Rucksack, zwei Bérets un Stecke,
Lederschue, e Anorak un Händschi,
E alter Voïgtländer un e Liederheft ;
Vesteckelt unterem e Papierdrache, e Fotoalbum üs Karton !
Wem han se g’höert ?
Denn vun ejch kenn ich ken Lied !
Zwei Brüeder sinn‘s g’sin, de Emile
un de André wo küm 18 Johr alt isch g’sin ;
Wie ich ne doch ähnlich bin !
Sie sin fascht noch Kinder g’sin ;
Keiner devun isch de Kralle vun dem Monschter entkumme !
De tollwüedige Hund het mr se geliefert uf d’schlimmscht Art, Dass mir widersch läwe kenne, han se uns ihr Läwe g’opfert,
Sie han ken anderi Wahl g’het as ze sterwe
Un vun ihne kenn ich ken Lied !
Warum het mr die Tragödie de Kinder vun Frankrich veheimlicht ? Dere schmertzhafte Gschicht, dere seltsame Abweseheit
Het « la mère Patrie » e grossi Indifferenz gezajt !
Grossvater, do owe uf de Kascht isch ihr Läwe zammegfasst.
Wo kann ich uf ihr Grab paar Kornblüemle un ihr Liederheft laje ?
Dort, uf de immense wite Ewene, höer ich d’Note vun re Knetsch !